Rédacteur de L′Anarchie après la mort de Libertad et condamné passé cinq ans de prison pour son refus de collaborer avec la police dans la célèbre affaire des bandits tragiques de la bande à Bonnot, Victor Lvovitch Napoléon Kibaltchitch, dit Victor Serge (1890-1947) se rallie aux bolcheviks dès son arrivée en Russie en 1919, travaillant notamment pour les services de presse de l′Internationale communiste en URSS puis en Allemagne. Partisan de l′Opposition de gauche réunie autour de Trotski, il fut exclu du Parti communiste russe au début de 1928 et victime durant huit années des persécutions du régime stalinien. Il bénéficia cependant de la solidarité de quelques écrivains et des milieux révolutionnaires antistaliniens qui entreprirent en sa faveur une longue campagne de solidarité internationale. Finalement libéré d′URSS, Victor Serge arrive Г Bruxelles avec sa femme et ses deux enfants le 12 avril 1936 et s′installe chez l′anarcho-syndicaliste belge d′origine russe Nicolas Lazarévitch.
Alors qu′en France la totalité de la presse du Front populaire le boycotte, le quotidien socialiste et syndical de Liège, La Wallonie, lui offre une chronique hebdomadaire qu′il publie de juin 1936 Г mai 1940, de l′euphorie du Front populaire Г la débâcle de la France face Г l′Allemagne nazie. Il y aborde les événements de l′heure, et tout particulièrement ceux d′Espagne et d′Union soviétique, ainsi que les épisodes qui mèneront Г la Seconde Guerre mondiale. Il livre aussi, au jour le jour, son témoignage sur les militants qu′il a connus, victimes des répressions totalitaires ; évoque les grandes dates du mouvement révolutionnaire en essayant d′en tirer la leçon pour les lecteurs de son temps ; se fait Г l′occasion critique littéraire exigeant et lucide, en particulier sur les errements antisémites de Louis-Ferdinand Céline ou les complaisances pour l′URSS d′André Malraux